Par Sylvain Berrios – Le mardi 23 décembre dernier, lors du conseil des ministres, le premier ministre a présenté un projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation. Celui-ci avait été annoncé par le président de la République lors du congrès réuni à Versailles le 16 novembre 2015, deux jours après les attentats ayant frappé la France et tué 130 personnes.
Il comprend deux articles :
– l’article 1er constitutionnalise l’état d’urgence dont le régime était jusqu’à présent fixé par une loi ordinaire, en créant un nouvel article 36-1 dans la Constitution.
– l’article 2 entend permettre la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français, en intégrant cette question à l’actuel article 34.
Malgré les multiples revirements du gouvernement et de la majorité, cette révision constitutionnelle est inutile. Les Français attendent des mesures fortes dans la lutte contre le terrorisme. Mais ni l’état d’urgence, ni la déchéance de nationalité, ne requièrent une révision constitutionnelle. Tout peut se faire dans la loi. Sur l’état d’urgence, le Conseil Constitutionnel a répondu dès 1985 aux objections, et à nouveau en décembre 2015. Les termes même de l’exposé des motifs du projet de loi trahissent une forme de gêne : donner un fondement constitutionnel serait « nécessaire pour moderniser le régime » de l’état d’urgence. On est bien loin du rôle de la Constitution.
La déchéance de nationalité ne requiert pas plus de modification constitutionnelle. Des décisions du conseil Constitutionnel de 1996, puis de janvier 2015, sont venues la conforter. Et l’article 23-7 du code civil prévoit déjà que « le Français qui se comporte de fait comme le national d’un pays étranger peut, s’il a la nationalité de ce pays, être déclaré par décret […] avoir perdu la qualité de Français ».
Inutile, donc, cette révision est aussi dangereuse. Tout le monde s’accorde à dire que la déchéance de nationalité ne sert à rien. Et chacun répète qu’il s’agit surtout d’un « symbole ». En effet, en inscrivant dans la Constitution une distinction entre les Français uni-nationaux et bi-nationaux, il est envoyé aux derniers un signal de défiance. Voilà finalement le seul effet de cette mesure : un symbole oui, mais pas celui qu’on croit ! Les Français attendent de l’action. Sur le front du terrorisme, mais aussi sur celui de l’emploi et des réformes.
Pour toutes ces raisons, avec un grand nombre de mes collègues du groupe Les Républicains, j’ai voté contre la révision constitutionnelle. A cet égard, j’avais déjà annoncé mon intention de vote dans une tribune parue dans le Figaro le 21 janvier dernier. Cliquez ici pour lire la tribune.