• 25 avril 2024

Collectivités locales: le mauvais procès fait par le Gouvernement et la Cour des Comptes

Par Sylvain Berrios – Depuis de long mois, le Gouvernement désigne les collectivités locales comme principaux boucs émissaires des restrictions budgétaires. Tour à tour accusées de trop dépenser, de trop s’endetter, de ne pas suffisamment investir, les communes sont montrées du doigt par l’exécutif qui trouve là des victimes expiatoires faciles. Victimes d’autant plus faciles que la Cour des Comptes dans son rapport annuel publié mardi 13 octobre porte une nouvelle charge contre les collectivités territoriales. Même le Medef, par la voix de son président Pierre Gattaz, juge utile de tirer à boulets rouges sur les élus locaux, réclamant une baisse de la fiscalité locale et une simplification du fameux millefeuille des collectivités locales.

Face à ce torrent de critiques et de mises en causes, les Maires et autres élus départementaux, régionaux et intercommunaux ou métropolitains ont fort à faire pour rétablir la vérité.

 

La première des vérités à rappeler est que les collectivités locales établissent et votent leur budget en équilibre réel, contrairement à l’Etat. C’est-à-dire qu’il n’existe pas de déficit public issu du budget des collectivités locales. Contrairement à l’Etat qui cumule chaque année depuis plus de 10 ans plus 70 milliards de déficit annuel.

 

Deuxième vérité, les communes, départements, régions, intercommunalités font une utilisation « vertueuse » de l’argent public puisqu’ils ne peuvent avoir recours à l’emprunt que pour financer des investissements. Contrairement à l’Etat qui emprunte très largement pour financer des dépenses de fonctionnement, principalement les traitements et pensions des fonctionnaires.

 

Troisième vérité, l’augmentation des dépenses de personnels n’est pas imputable aux collectivités, mais au gouvernement lui-même. La dynamique naturelle des dépenses de personnels dite GVT (glissement vieillissement technicité), additionnée aux dispositions de revalorisation des rémunérations des catégories C, relève de décisions exclusives du Gouvernement. Si l’on y agrège le coût de la réforme des rythmes scolaires pris en charge par les communes, l’augmentation des dépenses de personnels s’établit à 4%. Ce chiffre est d’ailleurs corroboré par le rapport de la Cour des Comptes. Contrairement à l’Etat qui peut maîtriser sa masse salariale, celle des collectivités dépend principalement de décisions prises au niveau national.

 

Quatrième vérité, le Gouvernement veut profiter de la réforme de la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) pour punir les communes dites de droite, en obligeant ces dernières à piocher allègrement dans les poches des contribuables locaux. En effet, la réforme reposerait sur deux piliers: le taux de mobilisation du potentiel fiscal, et le niveau de revenus par foyer. En clair, les villes bien gérées où les impôts sont les plus bas seront sanctionnées par une baisse de la DGF ainsi redistribuée aux villes où le taux de mobilisation du potentiel fiscal est le plus élevé, c’est à dire où les impôts sont les plus forts. Or contrairement à l’Etat, les collectivités locales et notamment les communes ne considèrent pas l’impôt comme la variable d’ajustement budgétaire.

Cinquième vérité, la baisse des dotations aura un double impact négatif. Tout d’abord, la brutalité de la baisse des dotations n’autorise d’autre solution que la baisse immédiate des investissements. Cela impactera l’activité économique de façon très importante. La Cour des Comptes estime la baisse des investissements à 30% en volume. Soit un impact de 60.000 emplois. Ensuite, la fiscalité locale, qu’elle soit issue de l’impôt ou de la tarification des services, subira une augmentation significative pour faire face aux transferts de compétences de l’Etat vers les collectivités, sans compensation financière. Comble ou paradoxe, ce sont les plus fragiles que le gouvernement frappe le plus par cette baisse brutale et violente des dotations. Ainsi les départements sont asphyxiés et ne seront probablement pas en situation de prendre en charge durablement les bénéficiaires du RSA.

 

Sixième vérité, les réformes institutionnelles reposant notamment sur la création de métropoles et de nouvelles régions créent plus de complexité et de dépenses là où on devrait attendre économie et rationalisation. Pour la seule Métropole du Grand Paris, avant même sa création et son installation, la Mission de Préfiguration estime à 300 millions d’euros le déficit initial!

Il peut paraître plus simple de reporter sur les collectivités l’incapacité de l’Etat à se transformer, à se réformer. Mais gare au retour de bâton! Les Français se mobilisent derrière leurs édiles, et ne se laisseront pas plumer sans réagir. Quand les élus locaux prennent leurs responsabilités, l’Etat se défausse des siennes. A ce jeu dangereux, le Gouvernement ne fait que creuser un peu plus la fracture entre l’Etat et les Français.

Tribune de Sylvain Berrios publiée le 19 octobre 2015 sur le site internet du Huffington Post: http://www.huffingtonpost.fr/sylvain-berrios/collectivites-locales-cour-des-comptes_b_8310476.html

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